dimanche 1 janvier 2012

Sélection 2012

Claire Angelini

"La guerre est proche",
vidéo format 4/3, 80',couleur, sonore, 2011

Ce film est consacré au camp de concentration français de Rivesaltes (Pyrénées orientales), édifié en 1936, aujourd'hui pudiquement nommé « camp militaire abandonné » sur les cartes de la région.

Pourtant ce film n'est pas consacré à un lieu de mémoire (un projet de mémorial, bientôt, vouera à la disparition une grande partie du camp), mais aux mémoires du lieu. Via les données concrètes et physiques du terrain, de ses bâtiments ruinés, La guerre est proche rencontre l'historicité du lieu en prenant la mesure de son actualité brûlante : la question des réfugiés, des camps de rétention, des «personnes déplacées». Topographie de ville fantôme à laquelle des témoins donnent corps (quatre personnages prennent tour à tour la parole en une manière d'oratorio). Narration que troue une béance, celle des témoins absents déportés plus loin, dans les camps d'extermination, qui ne sont là que dans le discours des autres. Présence insistante du vent, sifflements chuintants des éoliennes mêlés aux crissements des cigales. Ciels tourmentés, malingres arbustes.

Ce film cherche moins à tirer les leçons de l’histoire qu’à nourrir le présent d’une histoire qui, tel un miroir aveuglant, le concerne au premier chef.

Claire Angelini



II


Gilles Balmet 

"Laser game", 
vidéo format 16/9, couleur, sonore, 6'32", 2008

Laser Game est le résultat d'une déambulation en aveugle, en pleine nuit dans mon atelier avec un niveau laser comme seule source d'indication de l'espace environnant. Cette ligne rouge vif filmée avec un appareil photo numérique se brise et se reconstitue en permanence en fonction de l'espace, des murs et des objets qui ponctuent l'atelier. Je me cogne dans de nombreux éléments, déambulant lentement entre les oeuvres, les outils ou les détritus posés sur le sol en parquet. La bande sonore mystérieuse composée par les chocs divers occasionnés par mes déplacements hasardeux laisse planer le doute sur la nature exacte des objets croisés lors de cette promenade nocturne. La vidéo est encadrée par l'ascension d'un escalier de bois grinçant et sa descente qui clôt la vidéo.

Gilles Balmet



II


Clément Darrasse 

"Hum", 
vidéo format 16/9, couleur, sonore, 5'17", 2010

Cette vidéo a été réalisée au Chili, dans le désert d'Atacama, dans la salitrera d'Humberstone, cité minière productrice de salpêtre pendant l'ère industrielle jusqu'en 1960, année où elle fut laissée à l'abandon sous la pression économique de l'arrivée des engrais chimiques.

En proie aux vents et aux stigmates du temps, les rues de cette ville devenue fantôme abritent les empreintes chargées et émouvantes de ces ouvriers pampinos qui y ont consacré leur vie dans des conditions de travail extrêmes.

Conçu à Humberstone -Atacama à l'incitation de Dorothy-Shoes lors de la réalisation de son projet TAPS, Hum. est un film révélant la vie sonore et les mouvements discrets de cette ville fantôme en plein désert. Les trois premières lettres du nom Humberstone ici choisies pour titre, en anglais, signifient fredonnement.

Clément Darrasse



II


Olivier David 

"Ludodrone",
vidéo format 4/3, photographies et images 3D virtuelles, couleur, sonore, 4'36", 2010

La vidéo Ludodrone associe photographies, animation et modélisation 3D; "duotopie" d'un lieu de transit (escalier,rampe d'accès aux quais, hall de gare). La doublure virtuelle lovée au creux des espaces photographiés est arpentée par un origami; robot organique, jouant de ces propriétés de reproduction et d'effacement.

Deux temporalités se rencontrent dans ce collage, ce compositing: le temps photographique comme capture du réel, expérience physique d'un lieu pour le photographe et le trouble d'un temps inouï;le futur antérieur comme temps de la reconstitution et de l'anticipation conjuguées. L'image photographique produit l'expérience simultanée d'un passé/présent dans son actualisation par le regard et d'un présent/passé de ce de ce qui a été, de ce qui a eu lieu. Ludodrone est une combinaison de ces strates temporelles où des évènements, des nappes sonores, cristallisent le flux vidéo et la reptation d'un origami de synthèse.

La domotique comme relation distante au lieu et système de calcul de l'historique, de l'anticipation des évènements au sein et autour d'un habitat, d'un bâtiment, en serait la fiction réalisée.

Cette expérience troublée du présent, au travers des médiums photographiques et vidéo-graphiques virtualisés, s'intensifie via le développement et la convergence probable des technologies des "réalités" dites augmentées ou diminuées, associées au feed back en temps réel.Les espaces et les lieux ne deviendraient-ils pas les réalisateurs de nos propres usages et expériences de notre présence au monde ici et maintenant ?

Olivier David

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II


Nelly Massera

"Nuit étoilée",
vidéo format 16/9, couleur, sonore, 9'08", boucle, 2010

Un espace de projection plongé dans le noir total. Le regard doit s'habituer à la pénombre.

L'image vidéo est prise de nuit, un espace planté d'une architecture sommaire, parcouru d'une faible lueur, se dévoile péniblement. Le son omniprésent d'une eau qui coule, cyclique, emplit l'espace. Le ciel tonne, la pluie tombe et se mêle au son de la fontaine. Une lumière, violente, blafarde, presque irréelle, flashe la scène et la révèle furtivement au spectateur ; suit le bruit de l'éclair qui déchire l'espace. La fréquence des éclairs augmente, la pluie s'intensifie, le son se densifie, le hurlement des loups se joint à la scène.

Je filme dans un zoo la nuit, un zoo vidé d'une partie des êtres qui l'habite le jour et font sa raison d'être. Dans la nuit je suis venue chercher le basculement, celui où le regard s'inverse, le moment du jour où notre vue fait défaut, à contrario de la bête qui nous regarde et prend le dessus poussée par notre imaginaire habité de rêves, peurs, contes, légendes et mythes. Ma caméra s'arrête sur un enclos vide, espace plongé dans le noir, trou noir architecturé, parc de loisir miniature, entre vie et mort. Autour le monde gronde, le ciel se déchire, l'éclair montre, électrise, brule la scène puis le noir retombe.

Nelly Massera




II



Guillaume Meigneux

 "Santo Domingo n°863",
vidéo format 16/9, couleur, sonore, 6'00, 2007

Quiconque est déjà resté sur une place publique à observer ce qui s'y passe se rend bien compte qu'il ne garde pas un souvenir linéaire des différents moments dont il a été le témoin, mais qu'il emporte dans sa mémoire une succession de fragments temporels dispatchés dans l'espace. C'est sur cette impression que repose la vidéo Santo Domingo n°863 en prenant pour toile de fond une architecture spécifique du Chili.

Santo Domingo n°863 est l'adresse d'un centre commercial populaire, en plein cœur de Santiago, construit sur le modèle insolite des « caracoles » (littéralement « escargots » en espagnol).

Fortement développés sous la dictature, ces centres commerciaux, organisés autour de longues rampes en spirale, ont été peu à peu détrônés par le principe nord-américain des « mall center ». Aujourd'hui, les caracoles rythment la trame urbaine de Santiago comme autant de rues verticales en marge de la société, récupérés par toutes sortes d'activités plus ou moins licites.

Guillaume Meigneux


II


Paul Pouvreau

La cabane",
vidéo format 16/9, couleur, muet, 12', 2004

La Cabane a été réalisée dans le cadre d'une résidence au centre d'art de Pougues-les-Eaux. La durée du film est de 12 minutes, elle est le condensé d'un tournage qui a duré environ six mois pendant lesquels une architecture en carton construite dans le parc du centre est altérée par les aléas du temps et des intempéries.

Cette vidéo se présente comme un long temps de pose photographique et montre en un plan fixe et serré, les modifications que subit cette architecture jusqu'à son effondrement.

Ici, la façade de l'architecture s'apparente à une grande plaque sensible sur laquelle se projette une succession de formes apparaissant et disparaissant comme des images.

Ce que l'on mesure également au final, c'est que le moment de la chute, cet ultime point de l'équilibre ou du déséquilibre, n'est pas enregistré. De manière symptomatique, manquent l'instant et l'instantané.

Paul Pouvreau



II


Skander Zouaoui

"Constructions",
vidéo format 16/9, couleur, sonore, 3'30", 2011

Dans ma pratique, les vidéos récentes dont le dispositif est toujours minimaliste, poursuivent les recherches développées en dessin ou en volume. Le son transpose autrement la matérialité de l'objet et la possible narration ouvre le champ vers d'autres horizons. Ce qui est en jeu dans cette vidéo, c'est un ensemble de tensions et de pressions. Chaque bulle de savon est le fruit d'un équilibre entre une pression externe et interne, séparées par une fine enveloppe d'eau savonneuse. A chaque souffle se rajoute une nouvelle donnée à l'équation complexe et précaire formée par cette architecture-reflet. L'ensemble se déploie sur un disque qui définit et contraint le territoire possible. Les bulles se succèdent, se repoussent, s'équilibrent en un tout. Plus le nombre de celles-ci s'accroît, plus l'espace disponible sur la surface du disque diminue. Aussitôt que la dernière bulle est soufflée, l'édifice ; s'écroule, chaque éclatement entraine une recomposition, une recherche d'équilibre, une série d'évènements en cascade qui s'achève sur un disque à la surface plane.

Skander Zouaoui